Intégrer la RSE à ses événements : interview avec Nicolas Dhers, co-fondateur de SMMMILE Festival, le premier festival vegan en France

Nous avons rencontré Nicolas Dhers, ex Directeur Stratégique de la transition alimentaire pour le groupe Carrefour, musicien professionnel et co-fondateur de SMMMILE, le premier festival vegan en France et de Fluctuations, le premier festival fluvial itinérant en Europe. Ce passionné de “rassemblement autour de l’assiette” comme il se décrit lui-même est un véritable ambassadeur de l’engagement à travers l’alimentation. Nous l’avons interviewé sur son rapport à la RSE lors de ses événements et ses réponses inspirantes sont présentées dans cet article. Découvrez en plus sur comment créer de nouveaux imaginaires à travers les événements, sur les défis/terrains de jeux pour rendre l’alimentation 100% végétale cool et sur les tendances à ne pas négliger pour créer des événements plus durables.

SMMMILE, c’est le premier festival vegan en France, co-produit par le parc de la Villette, un grand terrain de jeux culturel basé à Paris. Le festival mélange des concerts et des tables rondes, des ateliers de cuisine et un immense food court pour découvrir tous types de cuisine. “C’est une manière pour nous d’engager, de faire découvrir par une approche hyper positive et souriante, comme son nom l’indique, la transition vers une alimentation plus végétale, qui est un sujet assez essentiel aussi et souvent sous-estimé dans l’événementiel.” nous explique Nicolas Dhers, son co-fondateur.

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Fluctuations a pour principe de créer un festival itinérant fluvial en Europe “pour mobiliser partout en Europe le long des fleuves et des rivières les citoyens et citoyennes sur des questions d’écologie, de justice sociale et de vision Européenne. Et donc pour ce faire on transforme un bateau pour en faire une scène, résidence, qui va voyager de mai à septembre, de Rouen à Budapest, pour mobiliser toute l’Europe sur ces questions là.” 

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Pourquoi la RSE est-elle si importante aujourd’hui dans le monde événementiel?

Pour Nicolas Dhers, la RSE est essentielle dans le monde de l’événementiel pour 2 raisons principales :

La première c’est que par nature c’est un secteur qui a de l’impact. Si on imagine un festival, dans beaucoup de cas on fait sortir de terre une structure complète pour accueillir du public, qu’il se nourrisse, qu’il écoute de la musique, qu’il découvre des choses. On rassemble des gens. Donc par nature la RSE est essentielle dans l’événementiel parce que c’est un métier, c’est une activité qui génère de l’impact de manière assez massive et du coup sur laquelle on a beaucoup de leviers d’amélioration.

 

La deuxième raison, beaucoup plus fondamentale ou inhérente à l’activité pour laquelle pour moi la RSE est essentielle à l’activité événementielle, c’est que la RSE est aussi porteuse de nouveaux imaginaires. C’est aussi un moment dans lequel on peut faire découvrir des choses aux gens, les détourner au final de leur quotidien. Vous allez quelque part de nouveau et donc c’est un moment pour faire découvrir des choses, y compris des nouveaux comportements de consommation, d’alimentation et découvrir vraiment un champ des possibles assez immense en terme d’actions individuelles donc c’est un moment qui permet ça et c’est aussi souvent un moment d’ouverture émotionnelle dans lequel je pense on est plus enclin aussi à aller à la rencontre de l’autre, à la rencontre d’initiatives ou se transformer à titre individuel.” 

 

Comment est-ce que tu prends à cœur la RSE dans l’organisation de tes événements ?

“Il y a un élément que je prends à cœur dans l’organisation des événements c’est ce que les gens mangent. Selon l’événement, ce que les gens mangent va représenter entre 20 et 30% de leur empreinte environnementale dans l’événement. Et la manière dont on l’aborde dans les événements qu’on monte est assez simple, c’est que l’alimentation qui a le moins d’impact sur la planète -et de très très loin - c’est une alimentation 100% végétale. Donc nous notre enjeu c’est de promouvoir ou de faire découvrir, au travers de nos événements. cette manière de s’alimenter, nouvelle, différente, délicieuse, innovante et en faire au final quelque chose qui est plus de l’émerveillement au travers d’un événement. 

Et au-delà de ça, je pense que ça a beaucoup d’importance parce que le propre de l’événementiel c’est de créer de nouveaux imaginaires au travers des événements aux participants et participantes. Souvent l’alimentation conviviale, festive, où on rassemble des gens, est liée à l’alimentation d’origine animale : une bonne viande, un bon plateau de fromage, c’est ce qui vient dans la tête des gens, et du coup je trouve qu’il y a un enjeu assez génial de profiter de moments de rassemblement pour décaler un peu ce sujet là et faire se rassembler les gens sur une alimentation festive, gourmande, partagée et 100% végétale.”

Un autre gros sujet, nous souligne Nicolas, c’est le point des transports. “Dans la majorité des cas, les transports représentent 80% de l’empreinte environnementale d’un événement. Nous, notre approche à travers les projets qu’on fait, que ce soit SMMMILE ou Fluctuations c’est plutôt de se dire “je créé un évènement et je veux que les gens se rassemblent dans la vraie vie.” Le digital a beaucoup d’avantages évidemment et c’est un énorme moyen de diminuer les transports mais il y a aussi une vertue forte à ce que les gens se connectent dans l’espace public dans un seul endroit et se rassemblent en communauté, humaine, ensemble à un instant T. Du coup la manière dont on l’aborde, au travers de SMMMILE c’est de s’ancrer dans un lieu, encourager la venue des gens en transports en commun, et au travers de Fluctuations c’est plutôt le Festival qui va se déplacer et aller à la rencontre des territoires.” 

Il ajoute quelques conseils d’encouragement à l’utilisation des transports en commun, tels que la gestion des horaires, les partenariats et réductions avec les transports, et la communication comme moyen essentiel d’inciter à ce mode de transport. “Prendre le train c’est diviser par 10 quasiment par rapport à l’avion son empreinte carbone. Si ce n’est pas possible on peut faire du co-voiturage et notre responsabilité en tant qu’organisateurs d’événements c’est d’en faire quelque chose de chouette. Ça fait partie de l’avant et l’après de ta fête.” 

 

Un événement c'est un espace de vie temporaire et du coup c'est un espace qu'on habiter avec des bons gestes, des bonnes initiatives.

“Enfin, on parle beaucoup de l’aspect écologique de la RSE mais y a aussi le côté sociétal. Comment je fais plus local dans les entreprises auxquelles je m’adresse, comment je fais de mes événements un “safer place”? Faire de l’événement un endroit plus sûr et mettre tout en oeuvre pour y arriver ça c’est possible et y a pleins d’actions concrètes qu’on peut mettre en oeuvre dans sa communication en amont, dans la manière de briefer les équipes, dans des dispositifs spécifiques notamment à destination des femmes pour les violences sexuelles et sexistes, briefer les équipes de bar, de sécurité, et du coup mettre tout ça en place ça me semble aussi essentiel. On parle d’un endroit où on rassemble des gens, qui se connaissent pas forcément, qui dans le milieu de la fête peuvent être aussi alcoolisés, donc comment moi en tant qu’organisateur/organisatrice d’événements, je mets tout en oeuvre pour minimiser le risque et maximiser la fête, que chacune et chacun se sente libre d’être la personne qu’il a envie d’être et du coup de faire de ces espaces des endroits de liberté.”

 

Comment mesures-tu l'impact de ton initiative RSE lors de tes événements ? 

“Sur SMMMILE on fait un bilan carbone en se basant sur des moniteurs d’empreinte carbone existants type Ademe. On calcule le nombre de personnes venant en transports en commun et le nombre de plats qu’on sert et on le compare à si c’était une alimentation omnivore. Ça nous permet d’avoir une empreinte assez légère.

Sur Fluctuations c’est plus abouti, on travaille avec un outil qui s’appelle Green Deal Circular Festival qui rassemble une quarantaine de festivals européens dont We Love Green en France, DGTL à Amsterdam, Shambala au Royaume-Unis et d’autres. Ca calcule l’empreinte sur la biodiversité, le climat, les matières premières utilisées et d’autres axes de la RSE en se basant sur des grandes thématiques comme l’alimentation, le transport, les énergies, les matériaux etc.” 

Découvrez notre article sur les astuces pour créer un événement durable et favorable pour l'environnement.

Quels sont tes principaux indicateurs de réussite ?

Nicolas insiste sur deux axes indicateurs de réussite dans la dimension RSE d’un événement : “le fait que les participants et les organisateurs, bénévoles et tout le monde impliqué soit content d’un événement (l’indicateur de base quand même de l’événementiel) et notre empreinte carbone.” Pour lui, ”c’est en réussissant à lier ces deux choses qu’on réussit notre événement.” 

Il note également d’autres indicateurs plus larges pour considérer l’événement comme une réussite comme l’augmentation du nombre de festivaliers, la portée des messages sur les réseaux sociaux, l’augmentation du nombre de repas végétaux distribués et la pérennisation de la relation avec les bénévoles. 

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Quels sont les principaux défis auxquels tu as été confronté lorsque tu as créé SMMMILE d’un point de vu RSE? 

“On a la chance en co-produisant l’événement avec le parc de la villette de minimiser les grands postes de dépenses environnementales du festival SMMMILE car on utilise des infrastructures existantes, on est connectés au réseau électrique (bien que ce ne soit pas de l’énergie 100% renouvelable, le taux de carbone / kilowatt reste assez bas) et on est connectés au réseau de transports en commun. Donc ces défis là ont été rapidement résolus et c’est très satisfaisant."

 

C'est le défi de l'événementiel : se baser sur l'existant car le déchet qui pollue le moins est celui qui n'existe pas.

“ L’autre défi avec SMMMILE c’était de rendre l’alimentation 100% végétale cool. On est une bonne plateforme pour les restaurants végétaux pour se faire connaitre, et créer de l’intérêt et de la discussion autour de ce sujet-là. On a aussi invité des chefs étoilés à venir se frotter au défi du 100% végétal et à créer quelque chose d’unique et de différent de ce qu’ils ont l’habitude de faire. Donc oui c’est un défi mais c’est aussi un terrain de jeux et une grosse zone d’opportunités. Par exemple, pour pas mal de start ups qui innovent dans l’énergie ou la circularité, le festival est aussi un bon lieu d’expérimentation parce que ça reste un lieu de contrainte mais où tu peux aussi rencontrer tes clients potentiels.”

Enfin, quelles sont pour toi les tendances à prendre en compte absolument pour le futur de l’événementiel ?

“ Pour moi un événement, que ce soit un festival ou un événement B2B c’est un moment de communication externe, où l’on peut montrer qui on est. Et pour moi faire des futurs événements les événements les plus durables et les plus exemplaires possibles en terme de RSE c’est le gros défi à venir. Il faut que ce soit clair, mesurable et symboliquement que cela se voit.” 

Quelques points qu’il aborde en termes de tendances à mettre en place sont la circularité, les transports, l’énergie et la question de la diversité et de l’inclusion “trop souvent oubliée” : “un festival avec 80% de son line-up qui est masculin c’est plus possible. Il faut que ça cesse et c’est la même chose quand on monte des tables rondes avec 5 hommes sur scène et une modératrice. C’est contre productif à la stratégie d’une entreprise de faire un événement pour inspirer sur de nouvelles tendances et de ne parler qu’à la moitié de l’audience de par la représentation homme/femme de qui vous mettez sur scène. C’est pour moi un gros point d’attention pour le futur.” 

Merci Nicolas Dhers pour cette interview !  

 

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